

Le repas de Noël
Je déambule lentement dans les rues de ma ville le col relevé.
Le vent soulève de temps à autres un chapeau ou retourne un parapluie.
La nuit n’est éclairé que par quelques rares réverbères suspendus ou par les lumières des vitrines des magasins encore ouverts.
Le froid et la faim me tourne la tête.
Mes yeux se voilent par moments.
Je titube un peu, heurtant un passant ou un mur.
Je reprend mes esprits et tente de rester debout contre tous les éléments.
J’avance maladroitement sous les rires ou les réprobations:
-« Regarde, encore un ivrogne.
-Si c’est pas malheureux de voir çà tout de même. »
Je me redresse et avance, fendant la foule pressée qui se hâte vers des festins petits bourgeois.
Et puis soudaine, dans une ruelle, je m’arrête près d’une fenêtre entrouverte. De celle-ci s’échappe une odeur de gâteaux sortant du four et que l’on pose là pour « froidir » mais aussi une musique qui s’échappe d’un vieux poste de radio posé sur un meuble.
Je m’appuie contre le mur. L’odeur et le son mélangés brouille mes pensées et ma vue.
Je vois danser devant moi toute une troupe d’artiste au rythmes d’un big band endiablé sous des feux multicolores qui scintillent. j’essai en « vin » de danser moi aussi mais le mur contre lequel je m’écrase me rappel à l’ordre.
La fenêtre grince. Elle s’ouvre.
– « C’est quoi ce chahut dehors?
– Excusez moi m’dame, j’essayai de passer par là…
– Par là, il y n’y a rien du tout…
– Je le sais bien m’dame mais j’y vais…
– Vous n’êtes pas un peu fou ce soir? Vous y arriverez bien assez tôt mal part… Entrez donc, c’est plus Noël mais il fait froid tous les soir ici… Entrez. Il y a de la soupe chaude.
La radio passit: Big Band Golden Oldies
photo MARZAT Photographe auteur-photographe © Copyright 2024

Le soir de Noël
Le froid du jour sans soleil m’a glacé le sang.
J’ai erré toute la journée parcourant les rues et ruelles de la ville.
Les vitrines, toutes éclairées de mille des guirlandes électriques, faisaient briller les yeux des enfants comme ceux des parents.
Il y avait partout des couleurs de circonstance; du vert foncé, du rouge, du jaune, du bleu, de l’or et de l’argent.
Des anges volants suspendus à des ressorts ou des personnages articulés robotisés, s’animaient de façon régulière.
Les enfants émerveillés montraient du doigts aux adultes telle ou telle scène.
Les gens marchaient vite, ne s’arrêtant que pour regarder des devantures ou entrer dans un magasin.
En fin d’après midi, la neige s’est invitée à la fête et s’est mise à saupoudrer les épaules des passants, de blanchir les têtes et chapeaux.
Peu à peu le silence s’est fait, les bruits de la ville s’étouffant dans la neige et les piétons se sont faits plus rare.
Seuls les derniers clients des boutiques alimentaire sortaient les bras chargés de victuailles de luxe.
On pouvait imaginer; des dindes, des foies gras, des magrets, des châtaignes, des huitres, des vins fins et des tas d’autres bouchées fines.
La nuit est venues très vite et sans ciel.
Une vielle radio s’époumonait et je pouvait entendre
Lambert, Hendricks & Ross – Four LIVE 1961.
La neige avait maintenant couvert les rues d’une couche suffisamment épaisse pour étouffer tous les sons.
Le silence se fit lui aussi obscure et seule la lumière diffuse d’un lampadaire éclairait devant chez moi.
Chez moi, ha oui…
Je vais fermer les yeux le ventre vide et la tête rempli d’espoir:
« -Demain matin, peut-être que j’aurai un carton neuf »…
Photo MARZAT Photographe auteur-photographe © Copyright 2024

Mes Elfes
A la sortie du village, on marche à travers un bois sombre où le sentier étroit serpente sous les grands arbres endormis jusque’à la lisière qui s’ouvre sur la plaine plus bas. Un peu plus loin, il y a ma maison.
Elle est posé là, sur la neige quand l’hiver est là, et justement, il a beaucoup neigé ces dernier jours.
Les traces de pas vous amènent jusqu’à la porte d’entrée.
Dans mon logis,Il fait doux devant la cheminée.
Il y a une grande pièce à vivre avec un coin occupé par la cuisine tant dis que le reste est l’espace repas, coin feu.
Parfois le soir à l’heure où la nuit a bleuie la neige, le vent vient pousser, de temps à autres, les contres-vents qui claquent un peu. Ces bourrasques ce sont les invités qui frappent à l’huis. Je les attendais comme chaque soir. Pour qu’ils viennent partager la nuit avec les délires fantasmagoriques.
J’ai remis une bûche sur les chenets, j’attisé les braises et posé, juste à coté, une potiche en terre cuite vernissée dans laquelle un cassoulet maison mijote doucement à la chaleur rayonnante des flammes.
En face, j’ai installé quelques chaise et mon fauteuil rouge.
Ce soir, j’ai invité mes fantômes de mes ténèbres.
On va, au son de; Cannonball Adderley Quintet – « Mercy, Mercy, Mercy » (1966), qui joue dans le vieux poste de radio gisant depuis longtemps sur l’étagère, là-bas, se projeter mes rêves.
Ils vont défiler en vrac dans une drôle de folle farandole frivole.
Un endiablement paradisiaque.
Une Fantastique hallucination fascinante.
Je les attend avachi face aux flammes qui dansent devant moi. Le vin chaud dans une main, l’autre qui pend vers le sol, les yeux à moitiés clos, mon esprit s’échappe doucement de ma tête. Ils vont arriver provoquant un saint désordre dans ma vie. Vont défiler gnomes, elfes, fées et sorcières, trolls, génies et autres dragons.
Nous partirons dans des aventures complètements époustouflantes, extravagants, qui se poursuivront jusqu’à l’heure fatidique des humains, celle qui fait disparaître mes songes.
Celles qui vous condamne à rencontrer…Bonne nuit, quand même.
photo MARZAT Photographe auteur-photographe © Copyright 2024